Extrait de nouvelles Fleuve noir

nb. Extrait de nouvelles, X

1. Maman est partie. Je me souviendrais toujours de son dernier regard, elle disait oui de la tête, pour que je lui badigeonne l'intérieur des joues. Peu de temps après, l'infirmière des soins palliatifs lui a posé la question en fin de journée : voulez vous dormir, car vous n'avez pas fermé l'oeil de la journée ?

Elle a dit oui de la tête, cela voulait dire, je pense, je veux m'en aller.. je veux dormir définitivement. Cinq minutes plus tard, elle dormait et ronflait bruyamment .. à 23H, je partais de la chambre. A 4h du matin, on m'appelait sur mon portable pour me dire que c'était fini.. et la descente aux enfers pouvait commencer..

2. Tous les jours, je pense à elle. Personne ne le sait, et tout le monde s'en fout. Tous les jours, je pense qu'elle m'entend, qu'elle me voie, et qu'elle participe à mes efforts. Mais, son absence physique me rappelle de manière cruelle que tout cela est une fiction, des souvenirs fugaces, qui s'effaceront avec le temps, de manière irrémédiable. Du coup, la question se pose : pourquoi avoir vécu cette vie ? Pour quel fin, et dans quel but ? Et bien sur, aucune réponse, jamais aucune réponse... C'est j'imagine, ce vide successif qui atteint mon moral... Le paradoxe est qu'il faut oublier tout cela le temps de quelques heures pour finir par se sentir mieux... mais, finalement, tout revient en tête... ses mots, ses images, ses souvenirs... et à nouveau, un cycle de peine, et de souffrance.

Parfois, je me dits que la fin serait une forme de délivrance. En effet, elle ne me fait en effet plus du tout peur, car la vie est tellement pénible, que l'arrêt serait une sortie par le haut. Du courage, non, simplement de la rationalité. Je sais que quelques semaines avant de partir, elle m'a dit : "pourquoi moi ? alors, que j'essaye de faire le bien autour de moi", je n'ai pas su répondre. Quand cela m'arrivera, je ne dirais pas 'pourquoi moi', mais plutot, " enfin, cela arrive, et bientot, je pourrais retrouver ceux que j'ai connu". Tout cela n'est pas très gai, je l'entends ; demain ira mieux. Tenir et se redresser peut être aussi une forme de réussite.

Hier, cette jeune fille, un regard hésitant, un décryptage instinctif, peut être une mauvaise lecture, mais l'espace de quelques secondes, une impression étrange qu'il peut y avoir autre chose, des choses imprévisibles, des perturbations, la vie en fait. Le mouvement peut toujours bouleverser les choses, la mort elle, est réductible à l'information stricte, sans contenu, une information plate, implacable certes, mais tellement plus pauvre que le mouvement. Faisons donc grâce au mouvement, et à ses conséquences à rebondissement. Demain, sera un autre jour. Du travail m'attend le matin avec des personnes peu conciliantes. Cela me redonnera peut être du tonus pour l'après midi...

3. Il y a des jours avec, et d'autres sans, comme dit le language commun. Mes jours "sans" correspondent souvent à la stratégie de l'autruche. Je n'ouvre pas le courrier pendant 1 semaine, je laisse les factures d'impots sans réponse et la salle de bains reste définitivement fermée. Les autres jours correspondent aux choix inverses. Les jours "gris" sont un mix de ces différentes actions. Parfois, je décide d'arrêter les conneries, et je me décide à résoudre les problèmes au quotidien que je dois régler. Il semble que ce samedi de janvier soit placé sous de meilleures hospices que les jours précédents. Le plus dur est de perséverer dans le temps. Petit à petit, je devrais y arriver. Le we prochain, je réglerai ce problème de testament, qui me pèse, mais cela ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir.

 4. L'action seule permet de résoudre les maux, elle permet aussi d'éviter de penser, car le cerveau a du mal à se dupliquer. Je choisis l'action, et le passé reste le passé, nous sommes le 4 juillet, l'année a peu d'importance, c'est le processus qui compte.